vendredi 17 novembre 2017

« Oui je l’ai secouée »

Regarder la vérité en face. C’est ce que Mickaël Kreutz, 26 ans, a bien voulu faire ce jeudi matin. Confronté la veille au rapport de médecine légale pointant un syndrome de bébé secoué, à la reprise de l’audience, les conclusions de l’expert anatomo-pathologiste sont venues confirmer les causes de la mort du nourrisson. « Cet examen arrive à la même conclusion », a appuyé Marie-Cécile Thouzeau, la présidente de la cour d’assises de la Meuse, tendant une nouvelle fois la perche à l’accusé. Qu’il a saisie.
Après un nouveau « j’arrive pas à expliquer », l’accusé cède. « Oui, je l’ai secouée. » La présidente poursuit pour lui. « Ce jour-là, vous êtes seul avec les enfants à partir de 15 h 30. Ils dorment. Il y a ce rendez-vous médical, votre compagne ne pourra être rentrée. Quand elle vous appelle à 16 h 54 pour vous donner l’heure du rendez-vous, il s’est déjà passé quelque chose ? » « Non ». « Les enfants dorment ? ». « Oui ». Dans le logement familial de Revigny-sur-Ornain, il n’y a en effet pas que Shayna, mais aussi un petit garçon, âgé d’un peu plus de 2 ans, le fils que sa compagne a eu lors d’une précédente union. C’est lui qui, enrhumé, doit voir le médecin. C’est la première fois depuis la naissance de Shayna, le 7 août 2015, qu’il garde les deux enfants. Cet après-midi-là, le garçon se réveille en premier. Mickaël Kreutz lui donne le goûter, le change. « Vers quelle heure se réveille Shayna ? », la présidente avance à pas comptés vers le scénario final. « Vers 17 h 30. » « Le stress de l’organisation monte ? » « Oui ». « Que devez-vous faire avec Shayna ? » « La changer, le biberon. » « Par quoi commencez-vous ? » « Le biberon ». Le bébé ne boira pas.
« Le secouement a déjà eu lieu ». Le questionnement n’est plus de mise, la présidente est résolument affirmative. « Quel événement s’est-il passé ? » « Elle s’est réveillée, elle pleurait. Je l’ai prise et je l’ai secouée. J’ai paniqué. Je suis tombé avec elle. » Il tente ensuite de faire prendre le biberon puis un bain à sa fille pour la réveiller un peu. « Et c’est quand vous avez vu que ça ne marchait pas que vous avez appelé les pompiers ? » « Oui ». S’il a toujours tu son geste, face à la cour, il a expliqué la peur que sa compagne le quitte avec les enfants, la peur d’aller en prison.
Au fil des heures, des auditions de sa belle-sœur, de ses beaux-parents, de son ex-compagne, les jurés ont eu l’image d’un homme pouvant être brutal, qui a tendance à ne pas sentir sa force, et surtout un homme qui ne supportait pas les pleurs de sa fille. Psychiatre et psychologue dressant eux le portrait d’un homme impulsif, un peu fruste intellectuellement, ayant tendance à la victimisation, mais aussi souffrant de carence affective, vulnérable en situation stressante. Comme ce 25 septembre, où, seul, il devait s’occuper des deux enfants en vue d’aller chez le médecin.
Le verdict est attendu ce vendredi.

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