vendredi 17 novembre 2017

Ouverture du procès d’Abdelhakim Dekhar, l’énigmatique tireur de BFM, de «Libé» et de la Société Générale

A peine est-il arrivé dans le hall qu’il sort son arme, la pointe en direction du rédacteur en chef, médusé. « La prochaine fois je ne vous louperai pas », aurait-il murmuré, selon un agent de sécurité présent, avant de tourner les talons. La scène n’a duré que 19 secondes mais suscite l’incrédulité des enquêteurs de la Crim’. Qui est Abdelhakim Dekhar, surnommé à l’époque le « tireur parisien », et que veut-il ? Les deux cartouches non percutées découvertes dans le hall sont-elles le signe que la fusillade a échoué ou une mise en garde ? Un an après l’affaire Merah, le spectre d’une nouvelle affaire terrorisme est dans tous les esprits.

Abdelhakim Dekhar est parti sans prononcer un mot

Trois jours plus tard, l’homme refait surface dans les locaux de Libération. Une nouvelle fois, la scène ne dure qu’une poignée de secondes mais l’issue est dramatique. Un assistant photographe est grièvement blessé d’une balle dans le dos, au niveau du thorax. Le tireur est parti sans prononcer un mot. Moins d’une heure et demie plus tard, des tirs sont signalés contre l’immeuble de la Société Générale sur l’esplanade de La Défense. Trois coups de feu ont été tirés contre le bâtiment, deux salariées disent avoir été visées sans être blessées. Dans sa fuite, l’homme a brièvement pris en otage un automobiliste à qui il a enjoint de le déposer sur les Champs-Elysées.
Le« tireur parisien » est jugé à partir de ce vendredi devant la cour d’assises de Paris pour « tentative d’assassinats », crime pour lequel il encourt la réclusion criminelle à perpétuité, et « enlèvement et séquestration suivie de libération volontaire ».
La traque d’Abdelhakim Dekhar a pris fin deux jours après cette équipée sanglante. L’homme a été retrouvé à demi-agonisant dans une voiture après avoir ingéré une grande quantité de médicaments grâce au témoignage de Sébastien L., un de ses plus proches amis. Ce dernier a finalement été mis en examen dans ce dossier pour « destruction de preuves », suspecté de l’avoir aidé à se débarrasser de son arme et de ses vêtements.
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Abdelhakim Dekhar est loin d’être un inconnu des services de police. Il a été condamné, en 1994, à quatre ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de préparation d’un crime dans l’affaire Audry Maupin-Florence Rey. Arrêté pour avoir fait le guet devant la fourrière de Pantin pendant que ce couple de militant d’extrême gauche commettait un braquage puis tuait trois policiers et un chauffeur de taxi, il a été décrit par certains témoins comme un mentor du couple, ayant profité de leur jeunesse pour les manipuler.

Des motivations opaques

Quatre ans après les trois fusillades, les motivations d’Abdelhakim Dekhar restent floues. Plusieurs lettres, non datées, envoyées à ses proches, ont permis de déterminer que Dekhar n’avait pas abandonné ses convictions d’extrême gauche. « Un jour, c’est sûr, ça va changer. Les rues s’embraseront. Une révolution aura lieu », débute celle adressée à ses enfants.
Aux juges d’instructions, il a également confié être animé par un mobile politique. Il voulait « marquer les esprits », mais a toujours nié avoir voulu faire des victimes. Selon lui, le fusil à pompe était l’arme la « moins létale en vente libre ». Les cartouches découvertes à BFM ? Une manière de rendre son action crédible.
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L’expert penche plutôt pour une erreur de manipulation ou une arme défectueuse. Le coup tiré à Libération ? Un « accident », il cherchait avant tout à se « défendre », argue-t-il. Pourtant, la victime lui tournait le dos au moment du tir. Et quid du témoignage de l’automobiliste pris en otage à qui l’accusé a confié qu’il était prêt à mourir les armes à la main ? Autant de questions qui seront sans nul doute abordées au cours des six jours d’audience.
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